Un vent mélancolique soufflait et caressait les branches des arbres dépouillés de leurs attraits, le village tout entier semblait se colorer de mille et mille couleurs nouvelles.
Quand Jeanne et sa maman quittèrent la maison, ce matin-là, ce n’était pas une journée ordinaire qui commençait.... C’était la rentrée!
Pour la première fois, Jeanne prenait le chemin de l’école, un cartable tout neuf à bandoulière et sa poupée sur son sein. Elle frissonnait de froid malgré la douceur du climat et de peur aussi. Elle avait l’air d’un oiseau fauve devant cette foule d’enfants et de parents qui étaient déjà devant l’école. Sa mère la regarda avec tendresse et lui dit : “Ne soit pas inquiète, ma chérie, tout ira bien.”
Puis elle ajouta, mystérieuse : “ Ce lieu est un endroit que tu ne connais pas encore, mais c’est un royaume magique où les enfants sont heureux car ils lisent dans de jolies livres des histoires qui font voler vers de nouveaux cieux“…
Mais Jeanne ne l’entendait pas, au plus elle s’approchait de l‘entrée, au plus elle se cachait derrière les jupons de sa mère.
Le concierge sonna la cloche…
Rentrons ma chérie dit sa mère, pendant que la directrice appelait les nouveaux élèves par leur nom.
Pareille à un petit animal sauvage elle franchit le seuil de la classe, la mine revêche, sans un regard pour les présents et sans saluer quiconque…
C’est après que Jeanne eut fait la connaissance de sa maîtresse qui semblait bien gentille, - à la quarantaine et aux cheveux tirés en chignon derrière la tête, d‘une philosophie éducative toute personnelle - que sa maman l’embrassa et s‘en alla lui donnant rendez-vous à l‘heure de la sortie, elle lui prit sa poupée aussi.
C’est alors que Jeanne sentit tout le poids de l‘abandon et de la solitude… Des larmes silencieuses caressèrent son visage, elle pensa à son chien Sultan, quand elle crut qu’il l’avait abandonnée lorsqu’elle ne le vit plus au pied de son lit à l‘attendre.
Les élèves étaient debout en file de deux, ils ne bavardaient pas, elle fit de même.
L’année scolaire venait de commencer.
C’est en classe que Jeanne oublia sa détresse, doucement doucement elle se dégela. Par les croisées des fenêtres elle voyait le ciel, les arbres aux feuilles rouillées, les fleurs grimpaient sur les murs comme on n'en trouve nulle part, et dans la cour gonflée de platanes, il pleuvait de l'or en miroirs. La maîtresse souriait, elle était de bonne humeur au point que l’on apercevait plus la ride profonde qui creusait son front en signe d‘inquiétude.
Asseyez-vous dit-elle… et chutttttttt, écoutez et regardez bien surtout sans jamais vous distraire car chacun de vos efforts sera récompensé et rappelez-vous que vous n’êtes qu’au commencement du voyage le plus fantastique de votre vie mes petits.
Cela dit, sur le tableau noir commercèrent à voguer de grandes majuscules… des alphabets et des chiffres par milliers… Les bancs étaient munis d’un petit encrier, d’une plume et tout à côtè, d’un buvard pour essuyer le feuillet sur lequel les élèves gribouillaient bien des lettres. Les rêves tournaient les pages, aucune leçon ne l’ennuiyait mais combien de taches d’encre tombaient de sa plume avant qu‘elle n’arriva à caresser le feuillet… elle tentait d’en effacer les traces, mais désastreux étaient les résultats. Elle arrachait pages et pages faisant des ouffffa … oufffffa… alors que la maîtresse la rassurait en lui disant joliement…“ tout ira mieux demain ma petite, le crayon de Dieu lui-même n’est pas sans gomme” .
C’est ainsi que Jeanne se rassura et commença à aimer l’ odeur de l‘encre, des crayons, des livres… tout l’envoûtait… Elle regardait les murs de la classe affichés de cartes de géographie, de dessins d’anciens élèves…elle savait qu’un jour il y aurait aussi les siens.
Tout à coup, dring dring, la cloche sonna et la réveilla de son enchantement.
L’école terminée elle sortit de la classe et s’aperçût que tous les autres écoliers étaient aussi gais qu’elle. Elle retrouva sa maman et la remplit de baisers, puis lui blablablablabla toute sa matinée. Pffff dit-elle! Oh maman, comme c'est fatigant la rentrée et elle ne s’arrêta un instant de jacasser tout le long du trajet jusqu’à ce qu’elle n’arriva chez-elle et lorsque vint le soir, harassée par tant d‘émois, elle se coucha cherchant vainement le sommeil qui ne vint qu’ après bien des heures...