(…) Elle avait maintenant sept ans quand vint l’automne avec ses changements.
Jeanne aimait ses longs soupirs, ses feuilles jaunies qui tourbillonnaient pour aller mourir bien loin du lieu de leur naissance, ses sentiers détrempés, ses beaux couchés de soleil, ses flaques d’eau dans les chemins où elle aimait y battre des pieds et éclabousser son frère.
L’automne c’était aussi la rentrée…
Elle allait enfin retrouver ses petites amies qu’elles n’avaient plus revues depuis la distribution des prix de la fin de l’année précédente et jamais comme aujourdh'ui, elle l’aime aussi follement. Elle donnerait deux étés pour un automne car ses couleurs, son ciel nostalgique, son vent tiède et caressant la fascine et l’envoûte encore.
Elle aimait, toute petite, se réfugier en cette saison, au coin de la cheminée avec son chien Sultan. Elle aimait regarder les hautes flammes lécher les troncs d’un vieux chêne qui semblait gémir dans l’âtre… elle aimait écouter le vent siffler, la pluie battre contre les volets, elle songeait à tout ceux qui étaient sans toit alors qu’elle était bien au chaud chez-elle en compagnie d’un bon livre, consolateur éloquent et calme.
Oh! Mais qui ne se rappelle avec amour les premiers ouvrages qu’il a dévorés durant l’enfance!
La couverture d’un bouquin poudreux que l’on retrouve sur les rayons d'une librairie, n’ a-t-elle jamais retracée le gracieux tableau de nos jeunes années? N’avons-nous pas cru voir surgir devant nous les grandes soirées baignées de rouges clartés du soir lorsqu’on lisait pour la première fois des histoires envoûtantes, tandis que les oiseaux chantaient la retraite et que leur chant se perdait dans l’éloignement…
Oh! que la nuit tombait vite sur ces pages divines! Le crépuscule faisait cruellement flotter les caractères sur la feuille pâlissante et la forme des arbres s’effaçait dans le vague de l’air…
C’est ainsi que Jeanne s’oubliait à lire au coin de la cheminée et à la demande de sa mère, “que lis-tu ma chérie?” … “un conte de fées” répondait-elle, distraite et plongée dans sa lecture.
La voix de sa mère résonne encore dans sa tête.
Elle se souvient quand, vêtue d’une chemise de nuit blanche, sa mère se penchait sur elle, la prenait dans ses bras et la portait au lit, effleurant son front de ses lèvres et au moment de dormir, elle lui bordait ses draps et comment la retenir?…
Maman, Maman, reste encore un peu avec moi disait-Jeanne, rien qu’un peu… Gestes simples pour un bonheur éphémère la frôlent à nouveau.
Oh, ma jeunesse écoulée, émue maintenant par ce souvenir si lointain mais pourtant si proche.
Des petits bruits la tirent brusquement de son rêve éveillé! (…) elle eut l’impression que quelqu’un venait profaner son enfance.