Il fait maintenant nuit noire.
Seul un oiseau lance un dernier cri plaintif.
Une pluie fine tombe doucement dans un léger froufrou.
Les branches d’ un ficus se découpent sur le ciel pâle où une lune pleine monte à l’ horizon éteignant les étoiles.
D’ autres arbres aux délicates ramures, noires, debout dans leur force, n’ aperçoivent, n’ entendent et n’écoutent le cri de mon cœur qui s’ agite.
Cette solitude, ce silence, assombrissent mes pensées.
Quelle langueur d’ ennui dans cet exil qui tue.
Une tristesse noire s’éveille dans la mélancolie affreuse des ténèbres et me torture d’ un malaise violent.
Mon sang reflue, la tristesse augmente.
Avec une lenteur déjà lasse, je ferme les volets.
La solitude s’ aiguise dans le grand calme de la maison déserte.
Le bruit des souvenirs remplit le silence … et comme si l’ urgence était au délire, ils reviennent, frénétiques, voraces, imperturbables, à joncher ma mémoire qui se peuple d’ ombres flottantes:
« soupirs, haleines confondues assourdissent le silence . Vertige fougueux, désirs fous de se fondre l’ un dans l’ autre, cris étouffés, odeur d’ orgasme, fragrance de chacun… » Je nous revois nous élever haut dans les cieux et gémir ensemble jusqu’à nous immerger en une léthargie profonde, puis nous réveiller, prêts pour inventer de nouveau l’ amour. »
Je vois encore l’ emprunte de nos deux corps transpirants et éreintés dans ce lit où demeure notre histoire.
Alors un besoin charnel se réveille, un de ces besoins tardifs, violents, qui croissent avec la solitude.
O, ce malheur sans consolation.
Une fureur d’ impuissance me jette sur le lit à coups de poing .
Je le massacre!
Un instant, encore haletante, à essuyer mon front, à calmer les bonds de mon cœur, à calmer les frémissements de mon être grondant d’ impuissance.
O, cette agonie.
Debout devant la glace, je contemple mon visage si décomposé que je ne le reconnais pas.
Puis, quand je le vois s’ apaiser, peu à peu, dans un effort de volonté suprême, je m’ allonge dans des draps maltraités, enflammés de désirs, la tête dans les oreillers, les yeux crevant en gouttes brûlantes et m’ abîme dans le grand silence de la chambre vide que les derniers rayons d’ un pourpre sombre ensanglantent.
Mon être est comme cette chambre, refroidi!
Une amertume affreuse m’ empoisonne la bouche:
« l’ inutilité de tout, l’éternelle douleur de l’ existence, honte de moi- même qui encore désire … »
Meurtrie, endolorie, il me remonte à la gorge un hoquet de détresse.
Que donnerais- je pour me hausser à la souffrance inassouvie du désir qui ronfle, plus inquiétant d’une menace vague et terrible dans ce silence qui assume tous les bruits.
Alors qu’ aucune aube blanchit le ciel, dans un déchirement mon cœur soupire et tombe dans l'oubli.
Ainsi, l'oubli m’ apprend à rêver .