Tandis que son âme se livre à des réflexions amères, Jeanne écoute la pluie.
Plus d'une fois elle voit ses yeux humides.
L'indifférence et la froideur trouvent aisément des paroles, mais la tristesse et le seul silence sont le vrai langage...
Elle y lit son désespoir.
Mais pour alléger ses peines, « un nom » qu’ elle seule connaît, et sans lequel son existence serait insupportable…
Elle jouit de ce simple hommage qui lui caresse le cœur.
C’ est comme un baiser qui vient l’ effleurer sans cesse.
Mais qu’ est- ce un nom?
Comme nous le savons tous, « un nom désigne la substance des personnes, des animaux, des choses, mais également, des idées, des sentiments, des qualités, des actions à laquelle le discours fait référence... »
Mais pour Jeanne, un nom est tout autre chose.
Un nom pour elle est une sage pensée qui vivra éternellement dans sa mémoire et la fait rêver.
Et quand cette pensée vient s’ aliter sur son feuillet, lisant les vers tout remplis d’ elle, un torrent de délices vient inonder son cœur.
Elle savoure le bonheur inattendu d’être aimée, elle le lit mille fois ce nom adorable écrit en caractère de feu.
Cette pensée est là et ne l'a pas oubliée. Ainsi, sa vie s’ alimente d’ espérance…
Depuis bien des années elle s’ est habituée à cette icône qui s’ aligne à n’ importe quelle heure du jour et de la nuit.
Elle la fait flotter bien loin dans les vapeurs chargées de fièvres et de mirages .
Elle ne peut s’ en passer, elle l’ aime.
Et pour un court moment, sa vie ressemble au rêve… elle s’ enlève vers un monde enchanté rempli de sortilèges.
Elle s’évade avec ses désirs, ivre de légèreté …
Ce nom, elle le caresse des yeux, le nomme en un murmure et le bénit de ne l’ avoir jamais oubliée..
Et qu’ importe s’ il est là pour la troubler, l’embrumer, ou pour la louer...
Qu'importe, oui qu’ importe, il est là, et n’ est- ce merveilleux ?
C'est quand elle ne le voit pas que son cœur se languit, se chagrine!
Sentimentale.
Sa seule pensée la rassure, dissout ses peines et ses inquiétudes qui chevauchent le long de ses journées et réchauffe ses nuits houleuses et sans chaleur.
Elle est trop heureuse d'ignorer tantôt le réel tantôt l'illusion, car son âme n'a d'autre désir que ce nom et le désir une fois né, ne connait pas le sommeil ni aucune trêve.
Merci d’ exister donc pensée, se dit- elle … « Tu es ma poésie, tu es ma soif, ma songerie. Tu es l’ ombre qui m’étreint puis qui m’échappe pour avoir le plaisir de recommencer.
O, comment suffire au torrent de délices qui vient inonder son cœur.
Mais ce nom si doux à son âme, oublie parfois de revenir la caresser.
Et dans l’ attente, elle écrit sa plus belle poésie…
«Ô chimère, qu'importe ta présence, si déjà, prégnante ta pensée chaperonne mes nuits... - impitoyables bourreaux - et les illumine comme l'enchanteresse aurore...
Ta pensée m'est si douce que mainte et mainte fois elle m'effleure.
Et pendant que dans le silence, affreuse, l'obscurité s'insinue, de ma chambre je vois naître et mourir pâle et délicate la lune, ta pensée est là, à assouvir mes peines.
Ô, chimère, sais- tu que tous les soirs elle vient et me berce tout bas et mon âme dit à mon cœur...
"remercions ce bon ange pour sa sempiternelle pensée qui suave, toujours plus suave, enchante mon sommeil d'un mirage doré».
« Merci d’ exister pensée.»
Qu’ il est puissant le magique effet de ce nom chéri.
Et un instant suffit pour arracher de son sein, mille ardents soupirs.