Combien et combien d’autres larmes ont coulé en silence des yeux de Jeanne et de son frère. Qui pourra leur rendre l’enfance? La peur des lendemains était si immense que parfois ils espéraient ne plus se réveiller et priaient pour un jour pouvoir tout oublier.
Mais les punitions ne cessèrent jamais. (…)…
… Comme quand leurs parents sortaient pour des soirées mondaines les renfermant à clef dans leur chambre munie de barreaux aux fenêtres afin qu‘ils n’aient soif d’imprudences… un vase de nuit à leur tenir compagnie en cas de besoins urgents…
Et c’est une soirée pareille à tant d’autres que Jeanne, après que ses parents s’en furent allés, sortit de la poche de son petit short des préservatifs qu’elle avait repéré auparavant dans le tiroir de la table de nuit de son père… (elle fouillait toujours partout l‘espiègle) - curiosité enfantine disait sa mère- et sans trop se demander à quoi pouvait servir ces pseudo-ballons, elle et son frère les gonflèrent et se les renvoyèrent faisant de petits cris de joie, ignares de ce qui les attendait lorsque leurs géniteurs seraient rentrés de leur soirée…
…Ils s’amusèrent longtemps et rirent contents pour avoir finalement trouvé le moyen d’adoucir la longue attente…
De retour, le père de Jeanne ouvrant la porte de leur chambre n’en crut pas ses yeux. Sans prononcer une parole, dans un geste d’automate, il prit le martinet et sans trembler, les cravacha sur le dos nu, leur laissant de longs sillons sanglants.…
Seuls des petits cris étouffés, des petits cris d’impuissance sortirent de leurs bouches, ni Jeanne ni son frère pleurèrent ce soir là...
Même si la punition fut lourde, très lourde!
Ils passèrent toute la nuit agenouillés, le visage collé contre le mur de leur chambre, les deux mains croisées sur leur tête, le dos ensanglanté, sans s'affaisser jamais jusqu‘à ce que joigne lentement, trop lentement, le petit matin.
Pas un signe de faiblesse durant la nuit et c‘est ainsi, que Jeanne et son frère commencèrent à éprouver le goût de la résistance et s‘habituèrent doucement doucement aux châtiments continus de leur père.
C’est ainsi qu’allait se raciner de plus en plus solide et grandissante la haine vers ce père incapable d’aimer d’une tout’ autre facture sinon que celle de punir lourdement ses enfants toutes les fois qu'ils s’insoumettaient à ses ordres… convaincu sans doute, qu'en agissant ainsi, ils auraient grandi à son image et ressemblance. “Parfait, comme il prétendait de l’être”.
Il ne savait pas que naissaient en eux une fragilité insurmontable et la certitude de ne jamais être à sa grandeur…
Comme Jeanne aurait voulu s’échapper de l’enfer où elle brûlait...
Seul son frère eu le courage d‘accomplir ce geste malheureux. Il s’enfuit du foyer peu de temps après l‘énième punition. Mais hélas, sa fuite lui couta cher, bien trop cher…
Après que ses parents en dénoncèrent la disparition, les gendarmes le trouvèrent quelques jours après, désorienté, apeuré, sale et paupérisé et au lieu de remercier le ciel pour l‘avoir retrouvé sain et sauf et de l‘embrasser fort dans ses bras afin de se faire pardonner pour l‘avoir trop de fois mortifié, sans y penser deux fois, son père, au défi des pleurs de sa mère, le fit renfermer dans une maison de correction à Montpellier où il reçut des punitions pareilles si ce n’est pire que celles qu’il recevait de la main de son père…
Il y séjourna pour bien un an et plus et lorsqu’il en sortit, il se renferma à jamais en lui même. Il changea pour toujours, il n’était plus l’adolescent insouciant d’un temps.
Ébranlée, Jeanne sentit qu’un démon naissait au fond de ses entrailles, il hurlait, elle le sentait vivre et palpiter, se déchaîner... C’était le démon de la rébellion qui la poursuivit et la poursuit encore...