Au milieu des bois reverdis émerge un lac large comme une mer.
Ses rives glissent à droite et à gauche au bord d'un ciel féérique...
Au lever de l'aurore, toutes sortes de charmantes fleurs s’ y baignent ou s’ y mirent coquettes et fières.
De grands oiseaux passent dans l’ air et viennent se ranimer sur ses eaux qui chantent et rient joyeuses entre les fleurs et les parfums qui se répandent partout…
Quelle humaine gens douée de la faculté de sentir, ne voudrait être à la place de ces deux jeunes sœurs animées et joyeuses, à jouir du silence et des merveilles de ce lieu fabuleux.
Elles s’ y réfugient souvent pour jouir de la tranquillité loin des yeux indiscrets et du brouhaha de la ville. …
C’ est un délicieux paradis lorsqu’ arrive le renouveau.
La cadette, debout et nue, ragaillardie par les haleines printanières, prend plaisir à contempler la résurrection de la nature et à humer les parfums de la terre entrouverte.
Les doigts dans les cheveux étreignant les mèches brunes, le cou tendu, le regard flottant cherche en vain dans le lointain quelque point visible.
Elle distingue enfin, comme une faible étoile, le soleil qui surgit derrière une nuée qui se laisse transpercer de ses rayons dorés.
Ses lueurs colorent inégalement sa tête en produisant de pittoresques reflets et dessinent fantasquement son corps sinueux et plein d’ une grâce sublime.
Elles expriment sur sa silhouette immobile, l’ entier abandon.
Un va- et- vient d’ on ne sait quoi l’ effleure…
Elle aime à regarder le lac par ces matins lamés d’ azur et teintés de rose tendre qui donnent aux choses une douceur infinie.
Un vent léger balaye les graines ailées. Jolies rodeuses au vol muet.
On dirait que le ciel se réjouit de leur corps et de leur bonheur.
Avec le jour naissant, ses couleurs deviennent plus caressantes.
Elles étendent une sérénité lumineuse et bienfaisante et commencent à verser sur l’ eau joyeuse et splendide un long ruisseau d’ or.
Ô merveilleuse Nature, vêtue d’ un voile tout damassé de fleurs.
À peine le printemps frais et dispos apparaît, qu’ il engendre ce qu’ il faut.
Un vrai miracle!
Tout prend vie avec lui.
La terre ouvre son sein et devient sa chaste épouse.
Et de lui… naîssent l’ abeille, la rose, la pâquerette, le bluet…
Une pincée de plumes brunes et grises, comme celles d’ une perdrix, fait de mousse et d’ herbe un nid qui a la forme d’ une bouteille.
Les insectes se réveillent.
Les papillons radieux et doux sortent des limbes de la chrysalide et frétillent dans le vide, pareils à des pétales de fleurs qui auraient couru dans le vent.
Un oiselet d’ un œil inquiet les suit sur son rameaux fluet…
Vulnérables, les termites sont une offrande délicieuse à ceux qui, dans le monde des oiseaux et des insectes, sont avides de leur chair succulente.
L’ air bourdonne de présages.
Les murmures se réveillent… et les couleurs se marient et se chamaillent aussi.
On dirait qu’ on entend le bourgeon qui se fend, les notes d’ une guêpe, les essaims d’ abeilles, le divin murmure des arbres balancés où les oiseaux se réunissent pour saluer en chœur le père de la vie.
Les coquelicots découverts, rougissent et frissonnent, complaisants, sous la caresse malicieuse du vent.
Les fleurs de glais se dressent en l’ air comme des hallebardes d’ or.
Le sentiment d’être à la frontière du paradis, envahit l’âme des jeunes sœurs d’ une ivresse sans nom.
Ah! L’ air… l’ eau… les parfums… les couleurs.
LA VIE !
Toutes ces choses là, ne se montrent- elles pas amies de la plus pure fantaisie?
Assise, et se béant de la quiétude de ce lieu enchanté, l’ aînée.
Sans se soucier de rien, elle jouit elle aussi, nue!
Un arbre séculaire lève son parasol sur l’ horizon vaporeux où tout se confond et s’ efface…
Il semble l’ inviter à s’ abandonner à ses pieds pour jouir de l’ ombre de sa feuillaison.
Il chante avec une voix douce et harmonieuse qui ressemble au bruissement des oiseaux qui, dès le printemps, chantent l’ amour de tout leur cœur.
Sous un grand ciel teinté de vapeurs rosées, le lac semble enchanté.
La brise le hérisse d’écailles et éveille ses murmures… Ses remous s’ allongent et tressaillent comme un serpent qui veille.
Ses eaux versent de petites cascades d’écume sur la rive, puis s’ enfuient pour retourner de suite après à chatouiller les pieds de la jeune fille qui, rêveuse, jouit de cet harmonie exquise.
Même la barque amarrée se laisse bercer doucement sous le tranquille roulis des eaux.
Tout dans la nature a une voix pour qui sait l’écouter.
Vers dix heures, quand le soleil rajeuni fait flotter sur le lac cette petite buée qui coule avec l’ eau, une douceur envahit l’ atmosphère
Tandis que tout vibre et tout chante autour d’ elles, le bon soleil leur coule sa chaleur sur leur corps séduisant de jeunesse, et une volupté délicieuse les pénètre.
On ne sait quoi de pur et de surnaturel les envahit jusqu’ au tréfonds de l’âme.
Prodigieuse l’ influence exercée sur leur esprit.
Elles interrogent leur cœur…
Elles n’écoutent plus rien, elles ne pensent plus à rien, elles ignorent le reste du monde….
Elles rêvent!
Elles respirent la lumière de toute cette Galaxie.
C’ est sa présence qui leur révèle les merveilles de l’ omnipotence.
L’ eau aussi la respire, la fleur lui ouvre ses pores, mais avant tout, elles, ces deux sœurs pleines de grâce sublime, avec leurs regards ardents, leurs lèvres charnelles et tremblantes, enivrées de tant de merveilles, s’ abandonnent aussi à ce brillant espace alors que le ciel honore leur beauté.
Elles vibrent sous les rayons flottants du soleil qui se répandent partout autour d’ elles et sur elles.
Et Dieu lui même, semble se réjouir penché sur sa création.