Une autre année s’enfouissait maintenant sous la cendre et comme chaque fin d’année, la place du village s'emplissait de villageois.
Les feux d’artifices jaillissaient et annonçaient le nouvel an …
Le ciel s’illuminait de mille et mille lumières, la fumée se répandait dans l’air et rendait l’atmosphère irréelle. La rumeur étourdissait les enfants qui criaient joyeux à chaque vrombissement…
De blancs flocons de neiges commençaient à voltiger et à tourbillonner dans l’air, ils devenaient de plus en plus nombreux, plus pressés. Une légère couche de blancheur pareille à la poussière de sucre dont on saupoudre les gâteaux s’étendait sur le sol. Un duvet argenté s’attachait aux branches dénudées des arbres, et les toits des maisons semblaient s’être vêtus d’un voile blanc immaculé…
Des cordes tendues d’un toit à l’autre des maisons supportaient des girandoles bariolées, aux fenêtres, éclaboussant de leurs couleurs, les arbres de Noël illuminaient encore les salons.
Tout les villageois semblaient appartenir à une même famille, Noël avait maintenant cédé le pas au nouvel an qui à son tour le cédait à l’Épiphanie, (fête chrétienne qui célèbre la visite des Rois mages à l'enfant Jésus) et c'était aussi la cérémonie de la bûche qui brûle toujours dans l’âtre pour les trois fêtes solennelles*...
Des grands feux de joie bordés de lourdes franges d’or balayaient le vide, on aurait dit des sous d’or que lance un riche superbe.
Les jeunes y dansaient en rond alors que les plus anciens évoquaient nostalgiques le passé en vidant des coupes de vin autour d’une longue table ornée de fleurs et de galettes que les enfants avaient préparées à l’aide de leur mère… On lisait la joie sur leur visage.
Beaucoup adhérèrent au jeu de la galette qui cachait dans une de ses tranches une fève ainsi que bien d’autres petites amusettes. C’était elle, la fève, la surprise et la reine de la soirée, car qui l’aurait trouvée dans sa tranche, aurait été couronné Roi et aurait payé à boire à tous les participants.
Quel spectacle...
Les femmes, les hommes et les enfants riaient et regardaient ces personnages si sérieux de coutume, se réjouir mais prêts à se chamailler si l'un d’entre eux aurait osé tricher en avalant la fève pour ne pas se faire découvrir… Mais hélas, la fève était bien trop grosse pour qu’ils l’avalèrent sans le risque d’étouffer… Même si beaucoup y prouvèrent, justement sans succès…
Ce jeu coûta bien cher au Roi de la soirée.
Jeanne se rappelle encore de leurs rires étouffés, de leurs cris de joie lorsqu’ils trouvaient dans leur bouche tout autre babiole que la fève.
Quelle nuit…
C’était une de ces nuits où la terre semblait morte de froid, l’air gelé devenait résistant et palpable tant il faisait mal, les plus petits, couverts jusqu’aux oreilles, ne s'en souciaient guère, ils jouaient à se bombarder avec de grosses boules de neige, insouciants du mal qu’ils pouvaient se faire et du gel qui les perçait.
La fête terminée, tous se souhaitèrent une bonne et joyeuse année se saluant chaleureusement… Jeanne en fit autant ainsi que sa famille… Mais pour elle, s’aurait été la dernière pendant tout le cours de son adolescence…
Elle alla se coucher.
Plus un bruit, toute vie s’éteignit, seule une morne plainte, le tic tac de la pendule qui annonçait que le nouvel an avait pris pieds… La lune large et pâle semblait se hâter. On aurait dit qu’elle avait froid dans ce ciel austère.
Jeanne s’endormit sous le reflet de sa clarté blafarde (…)