Jeanne grandissait en compagnie des enfants de son âge toujours protégée par son grand frère qui lui faisait d‘ange gardien. C’était le printemps.
Elle aimait cette douce saison qui faisait que le ciel était toujours lapis-lazuli, les arbres tout couverts de bourgeons, les fenêtres des maisons grandes ouvertes avec leurs pots de fleurs déjà verdissants, elle pouvait chercher des fraises dans l‘herbe verte et admirer les mésanges qui faisaient leurs nids dans les branches des arbres. Elle n’avait que cinq ans lorsqu’elle commença à fréquenter l'école de danse qu'elle continua jusqu’à ce qu‘on ne lui brisa ses rêves de grande étoile et musicienne, elle commençait à jouer du piano avec sa petite cousine Bernadette qui avait le même âge et le même professeur. Elle adorait la danse et la musique.
Mais parfois les choses que l'on désire n'ont pas toujours le pouvoir d'être exaucées, et c'est ce qui lui arriva.
Ses leçons de danse et de piano coûtaient trop chers, sa mère ne put continuer à lui payer ses études, l‘argent ne suffisait plus et Jeanne en tomba malade. Elle, si mignone dans son tutu rose et ses petits chaussons de la même couleur. Douce et frêle, elle voltigeait légère au son des mélodies qui la ravissaient. Son professeur de danse était une jeune fille, elle s’appelait Claude et Jeanne l’aimait beaucoup, mais cette dernière ne put rien faire pour l’aider à continuer ses cours, car peu de temps après, Jeanne s’éloigna pour toujours du lieu de sa naissance.
Pas un trésor de sa brève enfance, tout se perdit dans le temps. Détruite, sa mère coupa les ponts avec toute sa famille, elle déchira tous les souvenirs qui la liaient à son passé et elle s‘isola du monde entier … tout devint cendres autour de Jeanne qui vint privée de toutes ses affections les plus chères, ses amis, ses grands parents, ses oncles ses tantes… seuls du vent et des nuées!… Mais au dire de sa mère, “elle ne voulait ni d’aide et ni de pitié de la part de personne“. Les déménagements firent le reste. Même plus une photo de son père et Jeanne en grandissant, en oublia ses traîts… Plus rien à rappeler ses moments éphémères.
Mais entre temps, les excès de colère de son père continuèrent. Le regard dans le vague, mille faits de ce temps lui remplissent encore la mémoire, comme un jour, d‘avoir, à pleines mains, dévoré en cachette des petits choux à la crème qu’il avait préparé lui même pour ses invités, mais ce qu’elle revoyait surtout c’est quand il lui coupa les cheveux pour la punir d‘avoir fait une chose pareille. Ses cheveux qui faisaient sa merveille lorsqu’elle dansait sur le plateau.
Tiraillée entre des sentiments contradictoires elle se sentait entraîner de plus en plus dans un tourbillon de haine et abandonna à jamais ses rêves.
Son père était un homme sans pitié (...)