Un gros ours brun du nom Furie, pêchait le saumon avec son petit ourson le long d’ une rivière contournée d’ arbres millénaires…
Il faisait bien froid, la neige était tombée toute la nuit et couvrait toutes les montagnes…
bientôt tous les ours s’ en iraient en léthargie. Or, Furie, préoccupé de s'approvisionner pour le souper, ne s’ aperçut que Cyclone, c’ est ainsi que s’ appelait l’ ourson, avait disparu.
Il ne lui avait pas prêté l'attention suffisante, pour sachant que son Cyclone était curieux et surtout très désobéissant. Sa maman lui récitait tous les jours, comme une litanie et avec une patiente infinie…
"Cyclone, mon bébé, ta fourrure est si belle qu'elle est ambitionnée par tous les mauvais intentionnés, fais donc bien attention de ne jamais t'éloigner de ton papa quand vous allez pêcher le long des rivières, ou quand vous allez cueillir des fruits ou récolter du miel dans les forêts, car ta fourrure vaut une fortune et tu pourrais être tué sans la moindre pitié par des hommes sans scrupule, car ce sont eux nos pis ennemis. Tu ne peux pas t’ imaginer mon bébé les périples qui t'attendent au dehors de la tanière"...
Mais Cyclone était trop petit et inconscient comme tous les oursons de son âge. Il n’écouta point les recommandations que lui fit sa maman.
Comme elle était belle sa maman vous savez, elle avait la fourrure dorée comme le soleil d’été et comme les champs de blé, elle s'appelait Hestia et pour elle, la famille était toute sa vie, elle en était jalousement amoureuse et elle veillait sur elle comme toutes les braves mamans du monde.
Furie le papa, lui, n'était pas un ours très grand comparé à ses cousins des bois, mais malgré cela, il était très puissant et doté d’ une grande force et d'un grand amour aussi pour sa petite famille. Il tranquillisait toujours Hestia, lui disant qu’ il était là, lui, pour prendre soin de son ourson et le protéger et qu’ elle ne devait avoir aucune crainte.
"O laisse- moi me préoccuper, veux- tu que je ne connaisse pas mon gros bébé, s'écriait- elle, moi qui lui ai donné la vie, qui l'ai nourri et qui ne l'a jamais quitté!
Il est si espiègle qu'il est bien difficile de s'en occuper!" Ne te préoccupe point ma chérie lui dit Furie et il s’ en alla, accompagné de Cyclone, bien décidé à lui apprendre à chasser et à pêcher comme savent le faire tous ces confrères et à se défendre en cas d’éventuelles représailles.
Entretemps, maman ours préparait un bon diner à base de glands et de poissons et comme dessert, du miel et des myrtilles à volonté...en attendant sagement leur retour... soutenue, à présent, par l'espérance que son gros ourson connaîtrait le métier de la ruse pour survivre dans ce monde effrayant.
Mais les heures fuyaient et fuyaient et fuyaient.
Le soir allait tomber; et de Furie et de Cyclone, aucun signe de vie.
Elle commença à se préoccuper sérieusement, elle sortait à chaque moment sur le seuil de la porte et portait son regard au lointain dans l'espérance de les voir apparaître.
Elle ne savait pas la pauvre, que dans les bois, en proie à une angoisse pareille à la sienne, debout sur ses pattes en arrière, Furie scrutait l’ alentour.
Sa vue semblait médiocre, il ne voyait nettement qu'à quelques dizaines de mètres, par contre, son ouïe et son odorat étaient très développés.
"Un proverbe dit… quand une aiguille de pin tombe sur le sol, l'aigle la voit, le cerf l'entend et l'ours la sent... "
Ainsi, capable de flairer une odeur à plusieurs kilomètres de distance il espérait bien sentir celle de son ourson Cyclone. Mais rien! Pas la moindre senteur.
Bredouille, mouillé jusqu’ aux os, la neige de plus en plus insistante, il s’ en allait solitaire à travers monts et vaux espérant retrouver son ourson sain et sauf avant que la nuit les surprenne, car déjà le couchant s'en allait se noyer dans l’ horizon.
Mon Dieu, où était son gros bébé? Il marchait et marchait jusqu’à l’épuisement et rien n'avisait son odeur.
Il rencontra d’ autres ours qui jouissaient de la pêche aux saumons mais leur présence lui confondait l'odorat…
Abattu, il n’ avait pas envie de se distraire et de s’ attarder avec eux, sa pensée était toute entière pour son bébé qui entretemps, s'en donnait à cœur joie dans la frênaie se régalant d'un nombre incalculable de glands, de myrtilles et de miel. Il mangea si mal et trop, qu'il finît par avoir mal au ventre.
Il s'arrêta, renversa la tête en arrière et grogna douloureusement, puis il s'aperçut avec effroi qu'il s'était perdu dans les bois…
Entretemps, Furie continuait sa recherche, l’ urgence était à la limite car la nuit était bientôt arrivée.
Que faire? Mon Dieu, que dire à Maman Hestia lorsqu’ il retournerait à la tanière sans son ourson… elle lui avait si bien recommandé de ne pas le laisser seul une seule minute, quelle torture, Qu'allait- il devenir à présent. Il préférait mourir plutôt que de vivre sans lui. Il traversait des vallées combles de myrtilles et de framboises, des forêts, des chênaies, des rivières, tous les endroits qu’ il avait parcouru avec sa famille pour se ravitailler de glands, de miel et de tant d'autres bonnes choses.
Mais de Cyclone pas la moindre odeur.
Enfin, il aperçut au loin un ours solitaire, grand et gros au poil hérissé. Furie s’ y approcha avec prudence et lui demanda avec toute la grâce de ce monde s’ il n’ avait pas rencontré son bébé, « tout blond comme le miel, tout doré comme les champs de blé»…
Tout en grognant pour l’ intrusion inattendue, l’ ours solitaire lui répondit sans trop d’entrain, qu’ aucun ourson de cette couleur n’était passé dans ces lieux car il s’ en serait aperçu vu la beauté vantée…
Ainsi, Furie continua son chemin désespéré quand, dans le silence crépusculaire, apparurent des hommes armés jusqu’ aux dents.
Intrigué par leurs rires joyeux, Furie se cacha derrière un chêne, disposant à l'instant même du code gestuel de la défense, il sortit ses griffes énormes qu’ il affûta à guise de couteaux sur le tronc de l’ arbre derrière lequel il s’était réfugié prêt à attaquer dans le cas où les chasseurs l’ auraient aperçu… Mais ces derniers continuèrent leur chemin dans la chênaie, triomphants de joie pour la fructueuse chasse…
Derrière cette bruyante caravane, un petit Ourson les suivait enchainé comme un petit saucisson. Oh, ciel! C'était son bébé que les chasseurs avaient capturé...
Hors de lui, Furie se mit à suivre la caravane et silencieux il faisait des pas prudents pour ne pas qu'on l'entende. Il devait sauver son bébé coûte que coûte … Mais comment s’ y prendre, ils étaient si nombreux et armés…
Ah! Comment leur faire expier leur forfait à ces crapules.
Pauvre Cyclone, il marchait et trébuchait, trébuchait et se relevait, marchait et trébuchait encore. Il grognait fortement, il avait aussi très mal au ventre pour avoir mangé comme un petit cochon. Il était vraiment mal dans sa peau le pauvre ange.
Entretemps, les hommes riaient de plus belle... Certains l’éperonnaient avec la canne de leur fusil, le faisaient tomber. Cyclone émettait des grognements de douleur. Malheureux, il voulait sa maman, son papa, sa tanière et commençait à se repentir pour avoir désobéi à sa mère... il n’ aurait jamais du s’éloigner de son père.
Arrivés dans une vallée contournée de chênes et d'épais feuillages, les hommes attachèrent l’ Ourson à un arbre afin qu’ il ne s’échappât point, et c’ est là qu’ ils installèrent leur camp pour y passer la nuit.
Il neigeait de plus belle.
Furie se sentait frémir de rage, il pensait aussi à Hestia sa femme ourse qui les attendait depuis midi. Dissimulé derrière un gros arbre, il aperçu le campement des chasseurs au cœur d'un terrain clos de gros grillages.
Silencieux, il étudiait tous les gestes des crapules et pensait comment faire pour s’ y introduire sans être aperçu.
Cyclone, doté du même odorat que son père, sentit sa présence et se mit à gémir très fort, si fort, que croyant qu'il grognait pour la faim, l’ un des chasseurs lui porta de quoi se nourrir afin que le lendemain il restât bien sur ses quatre pattes pour qu’ on l’ admire en toute sa splendeur à la vente aux enchères.
Mais Cyclone avait déjà trop mangé et mal, négligeant la pitance, il se désespérait de plus belle et tirait sur sa chaîne comme un possédé.
Puis, épuisé par tant d’ inutiles efforts, il s’ endormit au pied de l’ arbre, sous la neige qui continuait à tomber.
Entretemps, sans se faire voir, papa ours attendait!
Après avoir mangé et bu jusqu'à s'enivrer, les chasseurs s’ en allèrent se coucher.
Le lendemain allait être une journée longue et épuisante, car ils devaient vendre aux enchères la peau de Cyclone, ainsi que celle des deux loups et d'un renard blanc qu'ils avaient capturés durant la fructueuse journée.
Le silence enfin se fit lourd, la nuit doucement enveloppait l'alentour, une demi- lune à peine à peine éclairait l'environ...
Furie s'assura que tous dormaient et n’ hésita point à rentrer en action.
Il outrepassa les grilles et entra dans le camp où se trouvaient Cyclone encore endormi et les deux loups ainsi que le renard, tous trois enfermés dans des cages. Avec une prudence inimaginable il alla droit vers l’ arbre où Cyclone était enchaîné, et avec on ne sait quel stratagème, il réussit à le libérer.
Il délivra aussi avec autant d’ astuce les trois infortunés qui s’ en allèrent à pattes élevées oubliant de le remercier…
Mais tous deux, papa Furie et l'ourson Cyclone, s’ en allèrent doucement doucement pour ne pas faire de bruit, puis hors d’atteinte, ils décampèrent à toute allure jusqu’à ce qu’ ils rejoignirent leur tanière où maman ours, impatiente et en colère, les attendait.
"Que vous est- il arrivé leur dit- elle en grognant comme elle ne l'avait jamais fait auparavant, avez- vous vu l’ heure qu’ il est? Cela fait des heures et des heures que je vous attends, mais où étiez- vous parbleu."
Mortifié, épuisé, Furie lui raconta la mésaventure qu'il avait à peine vécue.
Hors d’ elle, Hestia réprimanda Cyclone à grosse voix, mais surtout elle reprocha Furie son mari pour n'avoir pas été assez attentif sachant que son bébé était un vrai cyclone, elle l'avait pourtant si bien averti.
« Comment as- tu pu le perdre de vue un seul instant lui dit- elle… dans tous ses états… mais après qu’ elle se fût calmée, elle prit Cyclone dans ses bras, le serra fortement, l’ embrassa et le berça tendrement, heureuse qu'il ne lui soit rien arrivé.
Finalement, tous apaisés, ils s’ en allaient mettre à table quand tout à coup on frappa à la porte de leur tanière.
Un toc toc tonitruant les fit sursauter de leurs chaises et Cyclone affolé, se jeta derrière le fauteuil de sa mère et s'y cacha aussitôt.
« Va vite ouvrir, dit maman ourse à Furie son mari, mais demande toujours avant d’ ouvrir, on ne sait jamais que ce ne soit les chasseurs qui retournent à la charge ayant failli leur but de s'emparer de la peau de notre ourson bien aimé...
Furie tira le verrou de la tanière et passa la tête dans l’entrebâillement de la porte.
Dehors se trouvaient les deux loups et le renard blanc que Furie avait sauvés…
Ils venaient le remercier et s’ excusèrent pour les avoir dérangés à cette heure tarde de la nuit.
"Que craignez- vous dit maman ourse, rentrez! " nous allions juste souper.
Venez vous asseoir à notre table et toi Cyclone sors de ta cachette, petit peureux.
Tranquillisé et pataud, Cyclone s’ approcha.
Furie son père, grogna de plaisir, il était fier du respect que ces animaux venaient lui présenter.
Ayant perdu toute peur et timidité, Cyclone s’ amusa à l’ envi avec ses nouveaux amis. Il tirait les poils du renard blanc, enfonçait ses petites griffes dans la fourrure chaude de sa queue et le taquinait à s'en réjouir.
Il grognait de joie pour avoir enfin trouvé un ami avec qui jouer…
dorénavant, il ne s’ ennuierait plus.
La nuit était maintenant bien arrivée, les invités s’ en retournèrent d’ où ils étaient venus, heureux d’ avoir passé une très belle soirée…
Les jours qui suivirent, ponctuellement, les trois amis de Cyclone revinrent à la tanière. Maman Ourse les attendait et ne fermait plus la porte avant qu’ il ne furent revenus.
Mais quand l’ heure du coucher sonnait à la vieille horloge, les amis de la famille s’ en allaient sagement et Cyclone épuisé, s’ endormait dans les bras de maman ourse.
Béat, Furie les regardait... sa pensée s’ en allait loin...
Il revivait la maudite journée.
Combien il avait souffert de cette mauvaise aventure.
Ah, si ce n’ eut été pour son courage, quelle vilaine fin aurait fait Cyclone, son ourson adoré et les trois rescapés, il secoua la tête et laissa échapper ses mauvaises pensées dans un long soupir.
Puis, les années passèrent sans que plus rien ne vînt déranger la paisible famille...
Les saisons se succédèrent… et vint enfin le printemps...
Sorti de la léthargie, Cyclone, maturité accomplie, s’ en allait tout seul chasser dans les bois en fleur, et là, il rencontra Flore, l’ ourse de sa vie…
Comme elle était belle, sa pelisse était blonde et soyeuse comme les champs de blé.
Il en tomba follement amoureux mais il n’ osait pas lui parler.
Cependant, il ne dormait plus la nuit, il n’ avait qu’ elle devant les yeux, un jour, il dit à sa mère…
« Je serai absent quelques jours, attends- moi et ne te soucies guère…
Et la maman pensa…
« mon gros ourson va chercher aventure ».
En chemin, Cyclone rencontra Flore qui l’ attendait sous un arbre depuis bien des jours…
Il s'approcha d'elle et avec un grand charme il la demanda en mariage.
Flore de bon gré, accepta sur le champs car elle l'aimait aussi depuis longtemps…
Ils firent une très belle cérémonie. Ils invitèrent tous les ours du voisinage, et ils s’ aimèrent d’ un grand amour… et au bout de quelque temps, vint au monde un petit ourson qu’ ils appelèrent Danel.
O comme il était beau ce petit ourson…
sa fourrure était épaisse et brune comme celle de son grand papa Furie, il était ravissant comme sa grand maman Hestia, mais de lui, de son papa, il n'avait pris que son espièglerie. Il venait à peine de naître et déjà il ne restait pas en place. De sa maman Flore, il avait pris toute sa splendeur printanière.
Mais dès qu’ il commença à grandir, se rappelant de la mauvaise aventure qu’ il avait endurée quand il était tout petit, Cyclone son père, ne cessa jamais de veiller sur lui.
C’était à son tour d’ enseigner à Danel que la vie est pleine d’ appâts en ce monde cruel et que l’ espèce la plus redoutable et dangereuse pour eux lui dit- il, sont les hommes qui, sans scrupule, s’ enrichissent de leur peau en les tuant sans qu’ ils en aient la moindre pitié et le moindre remords.
Mais Danel, inconscient comme le fut son père à son temps, n’eut pas la même fortune que lui et sa désobéissance le punit fortement.
Un jour qu’ il pêchait le saumon le long d'une rivière, des chasseurs le capturèrent et de lui, on n’ en entendit plus jamais parler…