Le ciel était d’un bleu pervenche, le soleil illuminait la cour, les platanes semblaient pétiller sous cette flambée de rayons; l’air avait ce tremblement particulier aux journées de grande chaleur.
L’année scolaire prit fin et comme chaque année, les élèves étaient couronnés d'un prix pour avoir excellé en quelque matière et en bonne conduite.
Dans l’éblouissante lumière, la fanfare entama “La Marseillaise”… le proviseur se leva vivement, avança d’un pas, s’installa devant le micro, les parents étaient nombreux, des oncles, des tantes, des grands-parents. Assise à l’ombre des arbres, Jeanne, en compagnie de son père et de son amie Yvette qui fréquentait la même classe, étaient là aussi. Elles s'aimaient beaucoup toutes les deux et ne se séparaient jamais, (leur amitié dura jusqu'à ce que Jeanne changea d’adresse et s‘éloigna bien loin du lieu de sa croissance).
Enfin commença la lecture du palmarès. Tous suivaient attentivement les discours d’usage et battaient chaleureusement des mains à tous les élèves qui se présentaient sur la scène, ils étaient conduits vers un des personnages assis qui leur remettait leur prix avec un sourire ou une phrase de compliments. Le tour de la classe de Jeanne arriva, son cœur s’arrêtait de battre à chaque nom prononcé, le sien fut prononcé trois fois, sa maîtresse l’attendait sur le plateau, trois parchemins confectionnés d’un ruban bleu dans sa main gauche et dans sa main droite, une petite couronne de laurier en papier vert qu‘elle lui posa solennellement sur la tête. Jeanne s’aperçût qu’elle était extraordinairement émue; "Prix de lecture, Prix d'écriture, Prix de dessin" mais jamais elle ne reçut le prix de bonne conduite; prix que beaucoup de ses amis reçurent ce matin là.
Malheureusement, elle était trop espiègle et rebelle pour mériter un tel prix, sa maîtresse la punissait souvent pour ses bizarreries.
Combien de fois elle finissait derrière l'ardoise. Le souvenir est vif, combien de coups de baguettes sur le bout des doigts, bien mérités peut-être; elle saurait les compter toutes les fois qu‘elle y pense…
La célébration terminée, tous les parents et amis se saluèrent y compris la maîtresse et les participants à la distribution des prix. Chacun prit le chemin du retour en flânant doucement et savourant l‘air chaud de cette magnifique saison...
Jeanne suivait son père de quelque pas, il était absorbé dans ses pensées et ne se souciait guère de sa présence, mais malgré tout, elle était contente qu'il l‘ait accompagnée. Que désirait-elle de plus? Il avait toujours tant à faire et ce jour là, il s’était libéré pour elle, sa maman ne put la conduire, à son grand regret, car ce jour là, elle était très indisposée...
Mais une ombre toutefois voilait sa joie, elle savait qu’à son retour au foyer elle n'aurait pas
fêté l'évènement comme l'auraient fêté les familles des participants, la sienne avait de trop gros problèmes qu’elle comprit que lorsqu’elle grandit...
Elle en souffrit beaucoup; combien elle aurait aimé recevoir des embrassades pour s'être appliquée avec tant d’efforts toute l'année entière.
Elle n’avait eu qu’une seule et unique ambition désespérée: plaire à son père. Sa maîtresse elle même l’avait félicitée. Elle se sentait dépouillée de tendresses et de bien d’autres attentions aussi… et cela lui fit mal, très mal!. Mais elle oublia pour un moment ses tourments.
Yvette son amie la suivait comme son ombre. Elles s’acheminaient lentement toutes les deux regardant leurs pergamènes avec admiration, elles étaient fières. Leur nom était imprimé d’or en gros caractères ainsi que le tritre du prix où elles avaient exellé. Elles rencontrèrent des familles voisines, une petite fille tout habillée de blanc qui venait de célébrer sa première communion attendait avec son père le retour de sa maman et de sa petite sœur qui était allée retirer son prix d‘excellence aussi.
Dommage que Jeanne ne se rappelle plus leurs noms et pourtant ils habitaient tout à côté de chez-elle, elle allait souvent chez-eux pour admirer les cochons d'Inde que le papa élevait avec grande passion.* Jeanne les adorait…