Ici et jusqu’ au soir, effrayée de se voir toujours seule et abandonnée, fort découragée, Jeanne se couchait cherchant vainement un sommeil qui ne venait pas.
Le visage de masque fermé à l’éphémère, elle appelait à son secours l’ Amour perdu, et le forçait à descendre de ce lieu inconnu où il vivait sans elle.
Cruelle était l’ attente dans ce lit désordonné que la nue brûlante avait défait. À croire que les tourbillons de passions avaient sifflé en silence.
Qu’ il est heureux se disait- elle d’ avoir ainsi l’âme libre.
Après mille tourments, à l'horizon elle entrevit une ombre qui traversait l'espace d'un vol silencieux.
Tout à coup, un éclair l’éblouit. Par où, quand, comment était- il entré dans sa chambre ce petit ange qui bruissait à grands coups d'aile, inquiet, cherchant de la sauver de ses phobies.
Bien sûr, elle avait laissé entre- bâillé la fenêtre, et librement venu en conquérant qui prend possession d'un domaine nouveau, il était là pour la secourir de sa triste solitude, du silence, de ses insalubres pensées qui la hantaient durant sa veille.
Tourmentée, elle ne voulait plus rien savoir de cette vie misérable et vide.
Son avenir était enveloppé de nuages rouges et sombres comme ceux qui précèdent l’ orage et recèlent la foudre.
Comme cette nuit affligée par le vent et la pluie.
Elle en était à ne plus savoir qui elle était et à douter du bonheur qui l’ avait caressée antan.
Son présent était sans but et sans contour.
Qu'y avait- il de commun entre elle et cet ange qui ne demandait qu'à la soulager et la protéger contre elle- même...
Console- toi, lui disait- il, je suis là pour t'aimer car c’est ce qu’ elle voulait, être aimée et rien de plus.
D'un air attendri, il lui murmurait des mots doux, des mots qu'elle avait déjà entendus de son vivant.
Car à cette heure, elle était comme morte.
Enfant, elle s'était toujours demandée... "Qu'il doit être de ravissante beauté ce ciel, où ces millions d'anges resplendissent, tous différents les uns des autres."
Elle ne savait pas que les anges étaient une création de Dieu avant même qu’ il ait créé l’ homme et l'univers et qu’ il les créa pour le servir?
Mais elle savait, par entendu dire, que les Anges étaient d'une rare beauté et que rien sur cette terre ne pouvait donner la moindre idée de la splendeur de leur gloire.
Sa maman lui avait raconté que les Anges étaient des êtres situés au sommet de la hiérarchie de la création et que bien des personnes étaient favorisées par la vision constante de leur ange.
Était- elle, elle aussi, une privilégiée alors qu'il était là pour la soulager de ses peines?
Sa maman lui racontait aussi, que lorsque le bon Dieu se promenait dans le paradis, tous les Anges arrivaient en troupes, les uns se posaient sur les branches des haies et l’ on eû t dit qu’ elles fleurissaient.
D’ autres trottaient dans la poussière que ses pieds avaient touchée.
D’ autres encore, planaient dans l’ air et faisaient de l’ombre au dessus de lui et chantaient en chœur. Ceux qui n’ avaient pas de voix, montraient leurs ailes.
Tous disaient à leur façon… "Merci mon Dieu pour la vie que tu nous as donnée et merci pour nos ailes, pour la grâce de notre vol et l’élan dans notre cœur. "
Il y a qui dit que si un Ange devait apparaître dans toute sa splendeur, le soleil, la lune et les étoiles pâliraient en comparaison.
Pense un peu ma chérie s'entendait- elle dire... "Sais- tu que lorsqu'ils se manifestent, ils prennent la ressemblance d'un enfant, d'un ami, afin de ne pas nous effrayer et nous éblouir de leur clarté fulgurante.
Ce sont eux qui nous sont tout près lorsqu'on a besoin d'aide, de réconfort et d’ amour. Ils sont le reflet de la bonté de Dieu et non moins merveilleusement de sa douceur. "
Et alors, pourquoi donc Jeanne le voyait- elle en toute sa splendeur et il ne lui arrivait rien de disgracieux...
Rêvait- elle? Mais elle était tout de suite rassurée par les douces paroles de l'ange qui lui disait dans des murmures, la bouche souriante... « Pauvre petite colombe, comment peux- tu douter de ma présence, crois- tu donc que je veuille t'illusionner?
Je t’ ai prise sous ma protection et jamais ne t’ abandonnerai.
Je ne demande qu'une chose... t'embrasser.
Allons viens, viens dans mes bras, laisse- toi dorloter comme quand tu étais bébé. » Les bras ouverts, Jeanne s'élançait vers lui, l'œil émerillonné (vif) par le désir d’être enfin choyée.
Elle avait besoin d’ aide, d’ amour, et la générosité de l’ange ne connaissait pas de limites.
Il la réconfortait car elle pleurait doucement, désespérément.
Ah, si seulement elle était plus attentive à ses constants murmures, son bonheur serait indiciblement grand et sans plus d'ombres inquiétantes.
« Il faut que je te dise ma chérie, disait sa mère alors, que rares sont les hommes qui ont le privilège de voir leur ange de leur vivant.
Ils peuvent nous être révélés pendant des rêves, être l'objet d'une vision: c'est une sorte d'illumination de l'esprit.
Ils peuvent intervenir auprès de leur protégé, par exemple lorsqu'ils sentent que le danger les frôle. »
Mais Jeanne savait pareillement que les anges rendaient aussi visite aux amis de Dieu afin de les avertir de leur mort prochaine et de les assister jusqu’à l'heure du trépas et que le Saint- Esprit, douce colombe, au ciel les accueillait dans son nid de clarté. »
Et après avoir passé une nuit blanche, terriblement, complètement, misérablement, désespérément blanche, elle se laissa bercer par son ange, et ferma les yeux mollement.
S’ y taise le monde au moins un moment…
Je veux laisser cette partie de mon récit faire son impression, je vous étourdirais si je vous révélais en une seule nuit tous les secrets de Jeanne.
Demain peut-être, je dis peut-être, je vous dirai de ce cœur encor lourd d’ immémoriale nuit.