Après un automne plein de douceur, le froid est arrivé sans prévenir.
Et plus la saison est triste, plus elle est en rapport avec moi et plus que jamais, le sentiment du néant m’ engloutit.
Les yeux clos, la tête posée sur mes bras repliés, je me sens entrainée dans un tourbillon d’ angoisse.
Incapable de supporter plus longtemps le silence et l’ immobilité, je sors pour échapper à l’ atmosphère et aux obsessions morbides qui m’ obsèdent.
Enveloppée d’ un chaud manteau, je gagne l’ endroit où s'ouvrent des horizons sans fin, où la paix et le silence sont presque palpables et où je rêve l'éden.
Des bouquets d'arbres d'un vert sombre paraissent presque noirs sous le ciel vespéral.
Sans que j’ en aie vu passer le temps, ma vie s’ en est allée à livrer journellement des batailles épuisantes, cadencées par de douloureuses défaites et de brûlants triomphes.
Le combat continue, accompagné d’ illusion, d’ espérance et d’ ardeur toujours si vivante et pourtant vaine.
Désormais, je sais d’ expérience qu’ on est toujours seul dans le deuil et le malheur.
Et quand vétusté te surprend, implacable… les mots sont vides de sens et impuissants contre le déclin qui t’ afflige.
Ô, ne plus être!
"La divinité seule peut faire renaître une fleur quand le vent l’ a flétrie".
Improvise, un souvenir vient m'assaillir. Je revis le passé…
Un souvenir que j'avais refoulé, que je croyais anéanti à jamais et qui surgit maintenant au tréfonds de ma mémoire. Il me ramène brutalement en mon enfance.
J'avais 8 ans…
Il me semble d’ en revivre l’ instant… Témoin impuissante d’ une scène de ménage si redoutable pour ma sensibilité d'enfant, que l'instinct de survie m'avait dicté la seule réaction viable: l'oubli!
L'oubli à tout prix.
Et voilà, que par quelque maléfice, j'entends retentir à nouveau l'écho de voix trop familières.
Les acteurs de ce drame, exhumés de leur tombe d'oubli, reprennent vie pour se déchirer sous mes yeux…»
Je lutte pour refouler mes larmes et maitriser la douleur qui surgit douloureuse.
Je revis cette horrible scène…
« Je me revois debout, suivre des yeux une silhouette qui s’éloigne sans jamais se retourner»
Malheureuse comme les pierres "façon de parler" dans la solitude étouffante, je me vautre dans le chagrin et dans un crescendo de sanglots.
Je gémis en reniflant mes larmes et laisse mes pensées s'attarder sur ce souvenir qui déchire mon cœur et me fait revivre le malheur que j’ endure toute heure:
"le vide et l’ effrayante solitude du cœur et de l’âme. »
Alors que tout s’ enflamme dans l’ ardente lumière du soleil déclinant, je retourne sur mes pas, le cœur en boule, la gorge nouée, la mine revêche et m’en vais lécher mes plaies, seule, à travers un sentier contourné d’arbres de mon âge.
Ô Vieillesse ennemie!
Ô cruel souvenir de mon bonheur passé!
À travers les adieux du soleil, j’ aperçois un croissant de lune qui brille d’ une lueur argentée.
Comme il fait froid au lieu qu'amour fuit.
Et pourtant, en dépit de la viduité, je réussis toujours à reprendre le cours de la vie, consciente que nul au monde ne peut me venir en aide.
Hélas! Arrivé à un certain âge, on espère seulement!
Jamais que les désirs du cœur et de l’âme ne se réalisent.
Je dois trouver seule le courage d’ exister, et afin d’ y parvenir, puiser au plus profond de moi- même où j’ ai découvert des ressources que j’ ignorais posséder.
Vétusté, délictueuse, n’ a pas réussi à les décliner et à les amoindrir.
Et c’ est ainsi, que je continue de lutter, en attendant d’être dépouillée de mon enveloppe charnelle, ainsi que mon âme, libre de s’envoler, puisse accéder au plan supérieur où l’ attend sa jumelle…
Et c’ est là que mon affliction prendra fin!
Avec elle, près d’ elle, je connaitrai la paix éternelle.
Dans la pénombre, je distingue un visage qui me sourit débordant d’ amour.
Ce n'est qu'un rêve: je viens là, chercher un doux souvenir.
Je lève les yeux et contemple encore une dernière fois le spectacle déployé devant moi… Je me sens transporter dans un autre monde où tout est plus doux où tout est plus beau et où l’ amour est le protagoniste.
Le silence absolu qui m’ entoure n’ est rompu que par le chuchotement de la nature, et le battement de mon cœur qui retentit dans l’ air.
Un chat énorme, que je ne soupçonnais pas qu’ il pût en exister de cette taille, surgit du néant, et fait entendre un miaulement si désespéré, que je me sens frissonner.
Je n’ avais jamais entendu un cri aussi lugubre.
Levant les yeux languissamment vers l’horizon que les flots engloutissent, l’ esprit enfin en repos, je vois mon anxiété se dissiper lentement et vais dans la nuit étoilée...
Un soupir accompagne mes pas.
Je rentre;
je mange seule, et dans le silence, les heures me sonnent un concert désolé.
Obsédantes, elles se plaisent à m’ affliger...