Un matin on sonna à la porte.
La maman de Jeanne alla ouvrir.
Devant la villa se trouvaient deux huissiers de justice qui lui présentèrent sans préambule aucun, une intimation du tribunal…
Le père de Jeanne avait vendu la villa à l’insu de sa femme… L’intimation était, catégorique et irrévocable…
- Un mois de délai et on les foutrait à la porte de chez-eux! -
Ahurie, un fardeau de désespoir sur les épaules, la mère de Jeanne lut l'injonction les yeux voilés, puis, elle regarda ses enfants et se mit à pleurer.
La terre lui manca sous les pieds, elle s’évanouit.
(Le père de Jeanne avait jeté sa famille à la dérive, comment avait- il pu faire une chose pareille sans le consentement de sa femme.)
Anéantie, déshéritée de son unique avoir, sa maman ne put qu’accepter le délai que les huissiers lui accordèrent!
L'attente fut un calvaire. Un mois d‘angoisses, de souffrances, d’égarement, de papiers à signer, d’avocats, d’échecs sans appel et d’espérance aussi, que le père de Jeanne revienne sur sa décision…
EN VAIN FUT L'ATTENTE.
C’est ainsi, que la date aboutie, un poids lourd s’arrêta devant la villa et la famille s’embarqua le cœur en désarroi…
Seul Raymond le petit frère de Jeanne ne comprit le drame qui s’abattait sur toute sa famille… “Nous voilà arrivés Madame”... dit le chauffeur.
Il tendit le doigt vers la façade d’un immeuble.
À l’entrée du chemin, des lettres à demi effacées proclamaient qu’il s’agissait du “Vallon des Tuves, “quartier populaire de Saint-Antoine “ et, pour ne laisser aucun doute dans l’esprit des passants, une enseigne le confirmait en se balançant tout à côté.
L’aspect de l’immeuble ne concordait guère avec le faste de la villa du Castellet, où Jeanne était née et avait vécu pendant huit ans...
Le poids lourd s'arréta devant la porte d'entrée, deux hommes musclés en descendirent ainsi que toute la famille. Jeanne sa poupée précieusement serrée sur sa poitrine se regarda tout autour complètement désorientée.
Les deux hommes ouvrirent les battans des portes arrière, alors, comme dans un rêve, Jeanne vit sortir du camion une bonne partie de ses avoirs.
Les deux démenageurs transportèrent les meubles de son enfance dans leur chambre d'appartenance, puis tous prirent leur place. Cette maison inconnue prenait vie, chaleur et personnalité.
Dehors le jour déclinait, la famille alluma la lumière.
La nostalgie gagnait les esprits, et des larmes coulèrent.
À travaux finis, les déménageurs s'en allèrent refusant la petite manche que la maman de Jeanne leur offrit. Ils comprirent sa détresse et d' un bon grand sourire il lui souhaitèrent bonne chance.
Le conducteur se remit au volant de son poids lourd qui s’ébranla et partit… Jeanne le suivit des yeux .
Figée sur le trottoir, sa pensée s’en alla vers le lieu qu'elle avait abandonné.
Elle serra plus fort sa poupée, salua une voisine.
Une nouvelle vie l’attendait pleine d'imprévus.
Et c'est ainsi qu'elle devînt de plus en plus ombrageuse, susceptible, agressive et violente…