Jeanne couronnait ses huit ans… et maintenant, comment aller de l’avant?
Sa mère ne travaillait pas, “son brave papa” oublia ses devoirs de père et de mari aussi. Il disparut de la circulation abandonnant son travail même pour ne plus se faire repérer par le tribunal qui lui avait réduit de la moitié son salaire afin d’entretenir sa famille. C’est ainsi, que sa mère dut se rebrousser les manches et se mettre à la recherche d’un travail qu’elle trouva, heureusement assez vite, grâce à l’ami de son père. Ils avaient fait la dernière guerre mondiale ensemble, et partageaient les mêmes ambitions politiques.
Entre-temps il devint le parrain du nouveau né que la mère de Jeanne appela Raymond, comme lui, le bienfaiteur de la famille. Il paya par la suite les études à Jeanne lorsqu’elle commença son collège.
Encore elle lui porte de la gratitude, même si elle l’a perdu depuis bien des années déjà.
"Combien elle en fut amoureuse, elle aurait voulu qu’il vive avec elle, qu’il remplaça son père, prisonnière de sa réserve, elle ne savait comment lui dire qu’elle l’aimait profondément depuis toujours et que sa froideur n’était qu’un effet de sa timidité et de sa jalousie".
Lorsqu’il venait chez-elle, elle paraissait léviter au-dessus du réel.
Mais le parrain de son petit frère avait lui aussi une famille et une petite sœur qui s’appelait Bernadette, elles avaient le même âge et fréquentaient les mêmes cours préparatoires et ensuite le même collège.
Et c’est ainsi que sa mère fut employée auprès de l’hôpital de la Belle de Mai à Marseille, rayon maternité. Jeanne ne la vit plus beaucoup. Elle retournait toujours de plus en plus tard de son travail, à cause des heures supplémentaires, l’argent ne suffisait jamais. Trois enfants à charge ça coûtait, vue qu’un père indifférent les avait complètement oubliés…
Jeanne se sentit tout à fait abandonnée. Lorsqu’elle retournait de l’école, toute seule, bien des fois elle pleurait.