Les parents de Jeanne ne s’adressaient pratiquement plus la parole, il s’était établi entre eux une espèce de langage tacite , pas plus de bonjour que d’au-revoir. Ils se parlaient à peine. L’un essayait d’imputer à l’autre une injustice commise.
Cette situation dura des mois non sans souffrances. L’atmosphère devint austère.
Le père de Jeanne tentait de se justifier, mais sa mère restait de pierre. Entre-temps, naissait son petit frère “Raymond”. Jeanne l’aima tout de suite et se jura de toujours bien le choyer comme le fit son grand frère avec elle durant toutes ses tendres années.
Son père ne voulait laisser le foyer, il voulait s’y réconcilier… mais jamais la mère de Jeanne n’aurait supporté de l’avoir à ses côtés après qu’il l’eût trompée avec sa meilleure amie.
Elle ne se plia pas à ses prières!
Et c’est ainsi qu’ils décidèrent de se séparer.
Un matin, debout sur le seuil de sa chambre, il pria Jeanne de bien vouloir le suivre. Quelle détresse que de devoir choisir. Elle aimait ses parents d’un amour différent, mais elle les aimait tous les deux.
Combien d’incertitude, elle était si petite, elle n’avait que huit ans. Elle se sentit tout-à-coup affligée et dépourvue de paroles devant une simili prière.
"Était-ce pour se venger de sa mère qui refusait de le pardonner, se demanda-t-elle" ?…
Mais sa mère qui se trouvait à ses côtés, ne dit que deux mots, qui encore la martèlent… “ma pauvre chérie”... c'est tout.
Troublée, Jeanne pleura très fort, et refusa de le suivre car jamais elle n’aurait laissé sa maman seule!
Elle le vit récupérer ses choses en hâte et partir portant avec lui son seul carton de voyage, convaincu d’être un incompris et défait, il s’en alla la tête basse sans se retourner… jamais!
C’est après bien du temps que sa mère apprit qu’il alla vivre avec son amie, qui déjà avait un enfant de lui et que par la suite, il l’abandonna aussi avec trois enfants pour aller où?
Ni la mère de Jeanne ni l’amante ne le surent jamais.
Seule à l’idée que c’était fini entre ses parents, le cœur de Jeanne se déchira d’une angoisse pérenne. Ni toute sa volonté, ni toutes ses larmes ni tout son désespoir n’y purent rien… Combien de paroles elle aurait voulu lui dire lorsqu’il franchit le seuil de leur demeure, elle aurait voulu lui courir après, lui sauter au cou et lui demander “pardon, pardon, pardon papa”, et le serrer dans ses petits bras, fort très fort, l’embrasser, c’était de sa faute s’il partait, elle s’en voulait, elle n’aurait jamais du dire à sa mère qu’elle l’avait vu embrasser une autre femme qu'elle, elle aurait du écouter son frère qui l’implora, alors, de ne rien dire et ce fut depuis ce jour, qu’elle ne le revit plus jamais…
Son hâblerie avait suffi pour détruire une famille entière. Mais qu’en savait-elle, elle alla dans sa chambre, elle respirait sans écouter les mouvements de son cœur, elle était sûre qu’il s’en était allé avec son père à jamais… Meurtrie, elle n’aspira qu’à mourir, elle perdit connaissance et s’effondra dans son lit. (…)